Titre: De la SST pour emporter!

Episode #166 – Les dangers des nanomatériaux et comment contrôler l’exposition

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Introduction:  Bienvenue à “De la SST pour emporter”, une présentation du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.

Hôte: Merci de vous joindre à nous pour cet épisode de la série « De la SST pour emporter!». Nous discutons aujourd’hui avec Todd Irick, du Réseau de nanotechnologie et de santé des Centres de santé des travailleurs de l’Ontario (CSTO), au sujet de la nanotechnologie et de ses effets nocifs potentiels sur la santé des travailleurs
. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui!

Todd: Merci de m’avoir invité!

Hôte: Pouvez-vous nous donner un peu de contexte et expliquer à nos auditeurs ce qu’est la nanotechnologie et pourquoi elle est une source de préoccupations dans le milieu de travail?

Todd: « Nanotechnologie » est un terme qui désigne une grande variété de technologies et de matériaux permettant de créer, de manipuler ou d’utiliser des particules qui ont un point en commun : leur taille. Il s’agit de matériaux extrêmement petits, dont les dimensions sont habituellement comprises entre 1 et 100 nanomètres (nm). Pour vous donner une idée de la taille que ça représente, prenez l’exemple d’une feuille de papier ou d’un cheveu. L’épaisseur de la feuille est d’environ 100 000 nanomètres, et le diamètre d’un cheveu humain se situe entre 70 000 à 80 000 nanomètres.

Étant donné qu’ils ont des propriétés utiles, les nanomatériaux sont intégrés à une grande variété d’objets, notamment des piles et des composants d’ordinateur, qui comprennent du dioxyde de silicium et de zinc à une échelle nanométrique, des nanotubes de carbone utilisés en construction de véhicules pour renforcer sans ajouter du poids excessif, des vêtements, du maquillage et des produits de nettoyage, qui comprennent des nanoparticules d’argent en raison de leur action antimicrobienne, des écrans solaires, qui comprennent des nanoparticules de dioxyde de titane pour protéger contre les rayons ultraviolets, qui sont transparents, contrairement au dioxyde de titane blanc normalement utilisé et qui est de taille normale. De plus, de l’oxyde de silicium et de titane et une substance appelée graphène sont ajoutés au ciment pour augmenter ses propriétés de fluidité et de rigidité.

Ces propriétés souhaitables dans les articles fabriqués en font des atouts importants pour les fabricants, et ils sont mentionnés dans les campagnes promotionnelles et de marketing. Une base de données répertorie plus de 8 000 articles contenant des matériaux de type « nano » fabriqués par plus de 2 000 entreprises situées dans plus de 50 pays. Le large éventail de produits est utilisé dans les industries cosmétiques, textiles, pétrochimiques, médicales, agricoles et électroniques, en construction, en alimentation, et même dans le contrôle environnemental. Cependant, ces propriétés souhaitables sur le plan du rendement d’un produit peuvent aussi constituer des risques potentiels uniques pour la santé, lorsque des personnes sont exposées aux nanomatériaux. Comme vous pouvez le constater, les nanomatériaux sont partout. En plus de poser un risque d’exposition au moment de la production et du traitement, les nanoparticules posent aussi un risque lorsqu’un produit qui en contient se détériore, est déchiré ou déchiqueté, car les particules se déplacent alors dans l’air. C’est pour cette raison que l’élimination responsable est également importante.

Hôte: Est-ce leur taille qui rend dangereux les nanomatériaux?  

Todd: Il est difficile de répondre à cette question, car chaque nanomatériau, comme chaque produit chimique, présente des effets qui lui sont propres. Les effets des nanomatériaux ne sont pas seulement fondés sur des caractéristiques chimiques, mais aussi sur la forme, la taille, les structures cristallines, les revêtements de surface, la texture de surface, la charge de surface et la réactivité de surface. D’autres facteurs  peuvent également avoir des répercussions sur la façon dont les nanomatériaux peuvent affecter notre santé. Les nanomatériaux peuvent avoir des caractéristiques très différentes de celles qu’ils ont lorsqu’ils sont sous forme plus grande ou « normale ». Souvent, les nanomatériaux sont plus résistants, plus légers, plus réactifs ou conduisent l’électricité d’une manière différente, et leur apparence, comme leur couleur, peut être modifiée. Par exemple, les nanoparticules d’argent sont jaunes ou brunes, et non de couleur argentée, et cette petite taille leur confère des propriétés antiseptiques, ce qui fait qu’on peut les retrouver dans les blouses chirurgicales et dans les masques chirurgicaux, même dans les chaussettes de sport. Une fois de plus, cela peut ne pas représenter un risque immédiat si les produits restent intacts, mais s’ils sont déchirés, usés, déchiquetés, etc., les particules peuvent être libérées, puis inhalées, ingérées ou absorbées.

Hôte: Que savons-nous des effets possibles sur la santé résultant d’une exposition par utilisation de nanomatériaux?

Todd: Nous savons qu’il y a certaines préoccupations générales. Par exemple, les nanomatériaux peuvent pénétrer dans l’organisme par inhalation, par ingestion ou par absorption par la peau. L’inhalation est généralement la plus préoccupante, car les nanomatériaux en suspension dans l’air peuvent être difficiles à contrôler, et des quantités importantes de particules peuvent être facilement inhalées.

Les effets sur la santé varient selon la composition chimique, la forme, la taille, la texture, la charge et d’autres facteurs, et la rétention dans les tissus peut être relativement courte ou longue. Tous ces facteurs peuvent avoir une incidence sur l’effet toxique. On a décelé de telles particules dans les poumons, le foie, les reins, le cœur, les organes reproducteurs, le cerveau, la rate, le squelette, les tissus mous et même les fœtus.

Les nanoparticules en suspension dans l’air peuvent se déposer au fond des voies respiratoires, et une fois déposées, elles peuvent passer dans la circulation sanguine et migrer vers d’autres organes, comme le cerveau. Certains nanomatériaux peuvent causer rapidement une inflammation et une fibrose persistantes des poumons, ou encore des tumeurs pulmonaires et des troubles cardiovasculaires. Les seuils d’exposition en milieu de travail pour les nanomatériaux peuvent être beaucoup plus faibles que ceux liés aux produits chimiques ou aux matériaux qui ne sont pas d’une taille si petite. 

Hôte: Que peuvent faire les milieux de travail pour protéger les travailleurs?

Todd: Les milieux de travail peuvent mettre en œuvre des plans de gestion des nanomatériaux semblables à ceux qu’ils ont pour des substances comme l’amiante, le plomb, la silice et d’autres matières dangereuses. Ils peuvent contrôler les matériaux avant qu’ils ne soient admis sur le lieu de travail, mais il faut se méfier, car une fiche de données de sécurité, ou FDS, pour un matériau contenant des nanoparticules pourrait ne pas indiquer qu’il s’agit d’un nanomatériau, et les exigences de contrôle énoncées pourraient ne pas être aussi rigoureuses qu’elles devraient l’être

Les milieux de travail pourraient surveiller les nanomatériaux dans le cadre de leurs inspections de l’environnement de travail. Ils peuvent également offrir des instructions et des formations à leurs travailleurs. Les milieux de travail peuvent employer des méthodes de contrôle, comme l’élimination ou le remplacement, par exemple utiliser une suspension liquide épaisse au lieu d’une poudre sèche pendant la production, si cela est possible. 

Hôte: Vous venez de mentionner les méthodes de contrôle. Comment est-il possible de contrôler l’exposition aux nanomatériaux?

Todd: Tout d’abord, ils doivent être identifiés dans le milieu de travail. Comme pour tout processus, les travailleurs peuvent être exposés dans le cadre du processus de fabrication, au moment de l’utilisation et au moment de la manutention, ainsi qu’au moment de l’entretien et du nettoyage de l’équipement.

Le potentiel d’exposition dépend des caractéristiques que présente la quantité de matériau, que les particules soient sèches, en solution ou encapsulées. Cela dépend aussi du degré de confinement et de la durée d’utilisation. Les mesures de contrôle peuvent être mises en œuvre au moyen du principe de contrôle de la hiérarchie, soit quatre méthodes principales de contrôle qui doivent être mises en œuvre dans l’ordre suivant : premièrement, l’élimination, qui peut inclure le remplacement par un autre produit; deuxièmement, les contrôles techniques; troisièmement, les contrôles administratifs; et quatrièmement, l’équipement de protection personnelle, appelé communément EPI.

Les contrôles techniques comprennent des processus de confinement avec des boîtes de gants, l’isolation des émissions par la ventilation locale des gaz d’échappement, comme les hottes, et d’autres dispositifs d’extraction, en veillant à utiliser un filtre à haute efficacité, dit HEPA, pour contrer la propagation des nanoparticules dans le milieu de travail. Les contrôles administratifs comprennent l’entretien ménager, notamment le nettoyage des surfaces, l’installation de panneaux d’avertissement et la restriction de l’accès à certaines zones.

L’équipement de protection peut comprendre des respirateurs munis de filtres P-100,  un autre nom pour les filtres HEPA, des protections oculaires, du visage et de la peau, par exemple des lunettes de sécurité ou de protection, un écran facial, un sarrau de laboratoire ou une combinaison, selon le processus et le risque d’exposition et la mesure dans laquelle les facteurs sont contrôlés à l’aide des trois premières méthodes, car ce sont celles sur lesquelles nous voulons nous concentrer, puis recourir en dernier lieu à l’EPI.

Hôte: En guise de conclusion, avez-vous d’autres observations pour nos auditeurs?

Todd: Beaucoup de bonnes ressources sont disponibles pour les milieux de travail. Il y a quelques documents de l’Association canadienne de normalisation (CSA) qui sont très utiles pour évaluer les risques ainsi que des lignes directrices pour contrôler l’exposition aux nanomatériaux en milieu de travail. Les documents portant sur la norme du programme de contrôle des expositions et sur la gestion graduée des risques et la gestion des risques sont très utiles.

 

Enfin, beaucoup d’efforts sont investis dans le monde entier pour déterminer les dangers associés à l’exposition aux nanoparticules et pour recommander des mesures de contrôle appropriées afin de prévenir les expositions et les effets néfastes sur la santé. La meilleure approche reste l’application du principe de précaution, c’est-à-dire des mesures prudentes en présence d’un risque potentiellement grave, sans attendre la réalisation d’autres travaux de recherche scientifique. Étant donné que cette technologie est en cours d’émergence, c’est le moment idéal pour prévenir toute maladie future sur les lieux de travail causée par une exposition à des nanomatériaux.

Hôte: Merci de vous être joint à nous aujourd’hui, Todd, et d’aider à sensibiliser les gens à la nanotechnologie, à l’importance de protéger les travailleurs et au contrôle de l’exposition. Pour de plus amples renseignements sur la nanotechnologie, n’hésitez pas à visiter notre site Web à l’adresse cchst.ca.

Merci à tous de votre attention.