Indigenous Perspectives on Health and Safety

Intro: Ce balado est une présentation du Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail.

Le CCHST se situe sur le territoire traditionnel des Ériés, des Neutres, des Hurons-Wendats, des Haudenosaunee et des Mississaugas. Ce territoire est visé par le Pacte de la ceinture wampum faisant référence au concept du « bol à une seule cuillère », qui est un accord entre les Haudenosaunee et la Nation des Anishinabek visant à partager les ressources autour des Grands Lacs. Nous reconnaissons également que ce territoire est régi en vertu du traité Achat entre les lacs de 1792 entre la Couronne et la Première Nation des Première nation des Mississaugas de Credit.

Ashley:

Bonjour et bienvenue à De la SST pour emporter, un balado du CCHST. Pour cet épisode, nous avons le plaisir d'accueillir Jeff Robert, un professionnel des RH qui exerce ses fonctions à Thunder Bay, en Ontario. Jeff possède une formation en théorie de conception organisationnelle. Il se joint à nous pour nous fournir de l'information sur l'évolution de la santé et de la sécurité au sein des communautés des Premières Nations.

Il s'agit d'un sujet qui présente bien des nuances. Pour bien comprendre les éléments nécessaires à la réussite des initiatives de santé et de sécurité à long terme, nous voulons nous assurer de poser les bonnes questions sur les capacités, les ressources, les manières d'envisager la santé et la sécurité et les mesures de la réussite.

Jeff, merci d'être des nôtres aujourd'hui pour partager votre expertise.

Jeff Robert : Merci de l'invitation, Ashley.

Ashley : Parlez-nous un peu du travail que vous accomplissez avec les Premières Nations indépendantes ainsi qu'avec votre entreprise, Workplace Ki. Quelles sont vos responsabilités en tant que professionnel des RH travaillant auprès des peuples autochtones?

Jeff : Merci, Ashley. Je joue le rôle de conseiller en RH directement auprès des Premières Nations indépendantes, un conseil tribal établi à Akwesasne. Pour ce qui est de mon travail en conception organisationnelle, je me penche sur la santé et la sécurité des Premières Nations, sur des ressources humaines qui s'appuient d'abord sur la perspective des Premières Nations, et je découvre cette perspective en m'entretenant d'abord avec les communautés et leurs aînés.

Ashley : Pouvez-vous nous faire part de certaines difficultés et de certains défis auxquels les communautés autochtones font face lorsqu'elles mettent en œuvre des initiatives en matière de santé et de sécurité?

Jeff : Le défi le plus important auquel les communautés font face dans le cadre de la mise en œuvre d'initiatives de santé et de sécurité a trait au fait que les projets de santé et de sécurité sont des projets à long terme, mais qu'il faut faire la part des choses en tenant compte des fonds disponibles.

Les Premières Nations sont confrontées à de nombreux défis pour ce qui est de l'accès à un financement continu. Le financement en matière de santé et de sécurité est souvent accordé par projet. Toutefois, les communautés considèrent bien plus que les projets individuels. Pour elles, il faut d'abord mettre l'accent sur la communauté. Il faut d'abord et avant tout répondre aux besoins de la communauté. Voilà le grand défi qui doit être relevé lors de la mise en œuvre d'initiatives de santé et de sécurité au sein d'une communauté.

J'ai récemment organisé un forum de discussion au sujet du projet de loi C-65 sur le harcèlement et la violence dans le lieu de travail. Ce forum, qui comptait quelques communautés autochtones parmi ses participants, a vraiment fait ressortir les défis auxquels les communautés font face. À la question « Quelles mesures pouvons-nous prendre pour commencer à lutter contre la violence et le harcèlement au sein de la communauté? », nous avons reçu la réponse suivante d'un des participants : « Nous ne pourrons lutter contre les problèmes de violence et de harcèlement au sein de la communauté que lorsque nous aurons réglé la question du logement ». Les communautés établissent clairement des liens entre chacune des mesures que nous prenons. Toutefois, elles ne reçoivent pas de financement soutenu ou à long terme. Et tandis que nous travaillons à la résolution d'un problème, d'autres problèmes surviennent.

On peut comparer la situation à l'entretien d'une maison. Si vous êtes trop occupé à vous occuper de l'entretien de la maison (p. ex. bon fonctionnement des lumières), vous n'aurez jamais le temps de tondre votre pelouse. Nous pouvons comparer la santé et la sécurité à cette pelouse. Tout le monde doit s'occuper de l'entretien de sa pelouse et tout le monde peut le faire. Et c'est quelque chose qui doit être fait régulièrement. Mais si vous passez tout votre temps à vous assurer que les lumières fonctionnent bien ou à réparer un tuyau qui fuit, car c'est tout le temps que vous avez dans le cadre d'un projet donné, les projets à long terme comme la santé et la sécurité (et ces projets ne sont pas difficiles à mettre en œuvre, ils requièrent simplement un suivi régulier) finiront par tomber aux oubliettes.

Voilà ce qui constitue le plus grand défi pour les communautés autochtones. Elles peuvent tondre la pelouse une fois de temps en temps, présenter un projet et le démarrer. Mais c'est l'entretien du projet qui est plus difficile et problématique.

Ashley : Si je comprends bien, vous devez avoir les capacités requises pour pouvoir continuer de travailler sur l'initiative.

Puis entre-temps, d'autres problèmes surviennent auxquels il faut donner préséance. Est-ce bien ça?

Jeff : Vous avez parfaitement saisi. Ces autres projets et priorités sont parfois financés, et vous n'avez que six mois pour les achever. Vous devez alors emprunter des ressources d'autres projets pour pouvoir achever une seule initiative, ce qui cause des pressions supplémentaires. Puis parfois, les mesures qui devraient être faciles à mettre en œuvre (comme s'assurer de la santé et de la sécurité de tous) ne sont pas considérées comme prioritaires. Cela s'explique par le fait que tout est prioritaire au sein des communautés des Premières Nations.

Lorsque tout est une priorité, certaines choses passent au second plan et malheureusement, dans plusieurs communautés, ce sont la santé et la sécurité qui subissent ce sort. À peine regagnons-nous le terrain perdu que d'autres priorités surgissent et viennent prendre toute la place, et cela devient de plus en plus difficile à gérer.

Ashley : Et selon vous, comment les communautés sont-elles affectées lorsque des projets sont présentés et démarrés pour finalement être interrompus? Est-ce que cela refroidit l'enthousiasme à l'égard des nouveaux projets?

Jeff : L'enthousiasme à l'égard des nouveaux projets ne s'estompe jamais. C'est plutôt le nombre de travailleurs disponibles qui diminue.

Ashley : En effet.

Jeff : Dans certains cas, des personnes possédant les connaissances de base requises en santé et en sécurité ou encore, en RH ou en développement économique, sont affectées à un projet, mais le financement prend fin avant l'achèvement du projet. Ces ressources doivent alors délaisser la communauté.

Ashley : Je comprends.

Jeff : Parfois, c'est l'emplacement qui pose problème. Des rôles sont parfois confiés à des personnes qui ont un minimum de connaissances, mais ces personnes ont besoin de temps pour actualiser leurs connaissances et acquérir les compétences requises pour bien mener le projet. Alors il est clair qu'il faut des ressources en santé et en sécurité…

Ashley : Pour soutenir la réussite du projet?

Jeff : Exactement! C'est ce qui fait la différence au sein des grandes entreprises. Lorsque l'on commence à aider les communautés des Premières Nations, on doit souvent se battre simplement pour l'entretien de base, pour s'assurer que les lumières fonctionnent et pour maintenir les activités à flot. À peine commence-t-on à croire à la viabilité d'une initiative que quelqu'un quelque part remanie les priorités, nous coupe l'herbe sous le pied, et petit à petit, on perd du terrain.

Ashley : Lorsque vous songez à des exemples d'initiatives fructueuses en matière de santé et de sécurité dirigées par des Autochtones, quels sont certains des facteurs qui ont contribué à leur réussite? Qu'ont‑ils fait pour surmonter les défis? Est-ce qu'il se peut que dans ces cas de réussite, les défis n'étaient pas les mêmes?

Jeff : Plusieurs des initiatives fructueuses en santé et en sécurité qui s'appuient sur la perspective des Premières Nations ont généralement été menées en partenariat avec une grande entreprise, ou elles ont atteint un point charnière qui rend possible le maintien de programmes externes et de structures internes.

Ainsi, si vous examinez la communauté de la Première Nation de Rama et le Casino Rama et tout le travail que ces derniers accomplissent, vous constaterez que leur programme de santé et de sécurité n'est pas un simple programme, mais un programme qui repose sur une perspective autochtone. Il en va de même pour la Première Nation de Glooscap. Leur programme de santé et de sécurité est un programme qui fait de l'excellent travail au sein de toutes leurs différentes entreprises.

Il s'agit aussi d'un des plus anciens programmes existants, avec Peguis Construction, au sein de la Première Nation de Peguis, au Manitoba. Ils ont fait de l'excellent travail. Ils se sont penchés sur le développement économique et ont tout mis en œuvre pour pouvoir maintenir un programme de santé et de sécurité. Ce programme a même reçu le certificat de reconnaissance du programme COR®, un exploit tout à fait remarquable.

Ashley : Qu'est-ce que le certificat de reconnaissance du programme COR®?

Jeff : Le certificat de reconnaissance du programme COR® est un certificat de l'industrie de la construction qui atteste de la satisfaction des normes les plus élevées. Ces normes sont principalement régies à l'échelle provinciale. On commence à emprunter une direction différente pour la santé et la sécurité selon une perspective des Premières Nations. Il faut composer avec la complexité de la structure des compétences. Par exemple, dans les cas de Premières Nations qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral, mais qui exploitent des entreprises au sein de leurs réserves, il est fort probable que leurs activités soient aussi soumises à la compétence provinciale. Le certificat du programme COR® est un programme de certification du domaine de la construction dans la région des Prairies qui est en train de faire son chemin vers l'Ontario.

Ashley : Très bien, merci. Y a-t-il autre chose dont vous voudriez nous faire part? Qu'est-ce que nos auditeurs devraient savoir au sujet de la perspective autochtone sur la santé et la sécurité? Travaillez‑vous présentement sur des projets dont vous aimeriez parler?

Jeff : La principale chose que je souhaite que les gens sachent au sujet de la santé et de la sécurité et des projets RH des communautés autochtones, c'est que la santé, la sécurité et les RH au sein des communautés autochtones ne sont pas des questions à traiter de manière complémentaire.

Il faut commencer par comprendre les besoins de la communauté et la perspective autochtone, puis appliquer des principes en matière de santé et de sécurité qui tiennent compte de ces besoins et de cette perspective. C'est seulement de cette manière que les initiatives de santé et de sécurité seront des projets efficaces et fructueux sur lesquels les communautés pourront bâtir. Si l'on traite des questions de santé et de sécurité et des RH en appliquant le cadre de pensée institutionnelle actuel pour ensuite ajouter les perspectives autochtones ou des Premières Nations à titre complémentaire, nous ne partons pas de la bonne perspective, soit de la perspective des communautés des Premières Nations, et nous ne leur portons pas le respect qui leur est dû.

Ashley : Cette information est très utile. Merci, Jeff.

Quelles ressources les gens peuvent-ils consulter pour en apprendre davantage sur votre travail?

Jeff : Les gens peuvent visiter le site www.workplaceki.com pour en savoir plus sur mon travail personnel sur la conception organisationnelle fondée sur une perspective traditionnelle. Pour ce qui est des Premières Nations indépendantes, vous pouvez vous rendre sur le site IndependentFirstNations.ca et en apprendre plus sur l'approche que nous adoptons pour traiter avec le Conseil tribal des Premières Nations.

Ashley : Merci beaucoup de vous être joint à nous aujourd'hui pour partager votre expertise.

Jeff : Merci, Ashley. Cela m'a fait plaisir d'échanger avec vous.

Ashley : Merci beaucoup! Pour obtenir de plus amples renseignements sur tout ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail, nous vous invitons à visiter notre site Web à l'adresse suivante : https://www.cchst.ca/index.html.

Nous vous remercions de votre écoute.