Changements climatiques et milieu de travail

Intro: Ce balado est une présentation du Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.

Le CCHST se situe sur le territoire traditionnel des Ériés, des Neutres, des Hurons-Wendats, des Haudenosaunee et des Mississaugas. Ce territoire est visé par le Pacte de la ceinture wampum faisant référence au concept du « bol à une seule cuillère », qui est un accord entre les Haudenosaunee et la Nation des Anishinabek visant à partager les ressources autour des Grands Lacs. Nous reconnaissons également que ce territoire est régi en vertu du traité Achat entre les lacs de 1792 entre la Couronne et la Première Nation des Première nation des Mississaugas de Credit.

Raymond: Bonjour et bienvenue à De la SST pour emporter!, un balado du CCHST.

Partout dans le monde, nous assistons à une augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les feux de forêt, les tremblements de terre et les inondations catastrophiques. Selon un rapport commandé récemment par Environnement et Changement climatique Canada, le Canada se réchauffe à un rythme presque deux fois supérieur au reste de la planète. Et ce réchauffement continuera de provoquer des phénomènes météorologiques extrêmes, entre autres conséquences. Nous accueillons aujourd’hui Joanna Eyquem, géoscientifique et directrice générale du centre Intact de l’Université de Waterloo, qui vient nous parler des répercussions de ces changements sur les travailleurs. Le centre Intact mène des recherches qui visent à aider les communautés à s’adapter aux changements climatiques et aux phénomènes météorologiques extrêmes.
Joanna, merci beaucoup de vous joindre à nous aujourd’hui.

Joanna: Ça me fait plaisir.

Raymond: De manière générale, il semble que les Canadiens soient de plus en plus conscients des effets des changements climatiques sur leur foyer et leur famille. Quels sont les effets des changements climatiques qui se font déjà sentir en milieu de travail au Canada et quelle est leur incidence sur la santé et la sécurité des travailleurs?

Joanna: Parmi les risques préoccupants au Canada, les inondations sont les catastrophes les plus coûteuses pour ce qui est des dommages matériels. Il y a aussi les feux de forêt, qui touchent durement certaines régions où les maisons avoisinent des zones de végétation. Sans compter la chaleur extrême. Je pense que depuis le dôme de chaleur de 2021, les gens s’intéressent réellement à la question; c’est sans contredit une grande préoccupation pour les travailleurs également. Non seulement pour les personnes qui travaillent à la maison, mais aussi pour celles qui travaillent dehors ou dans des bureaux; les gens sont de plus en plus nombreux à retourner au bureau. Il s’agit donc d’une question importante pour l’avenir.

Raymond: Absolument. Y a-t-il des emplois particuliers qui sont plus vulnérables? Nous avons parlé du travail dans les bureaux et à l’extérieur. Quels types d’emplois sont les plus touchés?

Joanna:Je pense que pour ce qui est de la chaleur extrême, de toute évidence, les personnes qui travaillent dehors sont directement touchées par les épisodes de chaleur extrême. Et les canicules; vous savez, certains pays ont instauré des températures de travail maximales.

On s’intéresse de plus en plus à la question des limites de chaleur acceptables, y compris pour le travail dans les bureaux. C’est probablement quelque chose qui va arriver, mais il n’y a pas encore de norme claire à ce sujet. Il y a aussi, bien sûr, les professionnels chargés de réagir à ces événements (les professionnels de la santé, les services d’urgence), qui subissent tous davantage de pression. Face à des catastrophes naturelles plus fréquentes et plus intenses.

Raymond: C’est logique. Alors comment les employeurs peuvent-ils s’adapter dans l’intérêt de leurs travailleurs et que se passe-t-il s’ils ne s’adaptent pas assez rapidement?

Joanna: Eh bien, je pense que pour les employeurs — je ne suis pas sûre qu’ils soient nombreux à parler de ces risques à leurs employés — il y a de toute évidence un risque de dommages aux biens, entre autres. Vous savez qu’il faut tenir compte des risques d’inondation et d’incendie. Mais lorsqu’il s’agit de personnes, il nous faut prendre des moyens en tant que citoyens. Et les employeurs ont également un rôle à jouer dans l’adaptation aux changements climatiques. Selon la stratégie nationale d’adaptation, l’adaptation aux changements climatiques est une question pansociétale, ce n’est pas juste au gouvernement d’agir pour réduire les effets. C’est à nous tous de le faire. Et cela implique que les employeurs doivent informer leurs employés des risques dans leur région et dans les bâtiments où ils travaillent, ainsi que des risques à leur domicile. Et je pense que dans le contexte de la COVID, où la plupart des gens travaillent en mode hybride, c’est-à-dire certains jours à la maison, certains jours au bureau, la frontière entre le travail et la maison est très floue. Par conséquent, ce qui touche votre maison touche également votre travail.

Raymond: Exactement. Joanna, vous vous êtes penchée sur cette question à différents endroits dans le monde : en Russie, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Afrique de l’Ouest. Quelles approches particulières d’adaptation aux changements climatiques avez-vous observées? Que peut apprendre le Canada des autres pays en ce qui concerne la protection des travailleurs contre les effets des changements climatiques?

Joanna: Eh bien, je pense qu’une chose sur laquelle je travaille habituellement et qui me passionne, est la façon dont nous travaillons avec la nature pour réduire les risques liés aux changements climatiques. Je pense plus particulièrement aux travaux menés aux Pays-Bas et au Royaume‑Uni, et les choses s’accélèrent aux États-Unis maintenant, avec la loi sur la réduction de l’inflation. Il s’agit donc de déterminer comment nous pouvons réellement apprécier les services que la nature nous rend et aider à la protéger, tout en lui étant bénéfique. Je pense qu’il s’agit d’un domaine prioritaire pour le Canada en particulier, car la nature est très présente dans certaines régions du pays. Il s’agit donc d’un domaine clé sur lequel le Canada doit travailler.

Mais vous savez, nous avons maintenant une première stratégie nationale d’adaptation. Donc à l’avenir et pour atteindre les objectifs, la stratégie prévoit des objectifs quantifiés et des échéances. Elle fait appel au secteur privé. Elle invite également d’autres secteurs de notre société à agir. Nous allons donc suivre cela de très près.

Raymond: Je comprends. Y a-t-il autre chose au sujet des changements climatiques en milieu de travail que vous aimeriez porter à l’attention de nos auditeurs?

Joanna: Je pense que l’heure est vraiment à l’adaptation, car lorsqu’on parle de lutte contre les changements climatiques, certaines personnes pensent immédiatement à la réduction des gaz à effet de serre, ce qui est très important. Nous devons ralentir les changements climatiques, mais nous avons dépassé le stade où nous pouvons les éviter. Nous en ressentons déjà les effets.

Je pense donc qu’il faut se concentrer d’urgence et plus sérieusement sur la résilience et l’adaptation. Vous savez, chaque moment que nous ne passons pas à nous adapter en est un de trop; ce sont des pertes potentielles et des effets sur la santé des gens que nous aurions pu réduire si nous avions agi à temps. Je pense que nous passons parfois d’une catastrophe naturelle à l’autre. Notre attention se porte sur la catastrophe lorsqu’elle se produit, puis nous passons à autre chose. Mais il est vraiment temps d’agir en matière d’adaptation.

Raymond: Joanna, merci d’avoir pris le temps de parler avec nous aujourd’hui et de nous avoir fait profiter de votre expertise.

Joanna: Merci beaucoup.

Raymond:  Si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, Joanna participe au prochain webinaire du CCHST sur les répercussions des changements climatiques sur le milieu de travail, qui aura lieu le 22 mars. Consultez la page CCHST.ca pour obtenir de plus amples renseignements.

Vous pouvez également visiter le CCHST.ca et faire une recherche avec l’expression « changement climatique » pour obtenir des ressources additionnelles.

Merci d’avoir été des nôtres.