« Health Impacts of Physically Demanding Work »
Introduction : Ce balado vous est présenté par le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail.
Le CCHST se trouve sur le territoire traditionnel des Ériés, des Neutres, des Hurons-Wendats, des Haudenosaunee et des Mississaugas. Ce territoire est visé par le Pacte de la ceinture wampum faisant référence au concept du « bol à une seule cuillère », qui est un accord entre les Haudenosaunee et la Nation des Anishinabek visant à partager les ressources autour des Grands Lacs. Nous reconnaissons également que ce territoire est régi en vertu du traité Achat entre les lacs de 1792 entre la Couronne et la Première Nation des Mississaugas de Credit.
Ashley : Bonjour et bienvenue au balado De la SST pour emporter! du CCHST. Comme l’activité physique est un élément important d’un mode de vie sain, on pourrait penser que les travailleurs occupant des emplois exigeants physiquement sont en meilleure santé que ceux dont le travail est sédentaire. Mais ce n’est pas nécessairement le cas.
Nous accueillons aujourd’hui Avi Biswas, qui détient un doctorat et est scientifique à l’Institut de recherche sur le travail et la santé ainsi que professeur adjoint à l’Université de Toronto, pour discuter des répercussions qu’a le degré quotidien d’activité physique des travailleurs sur leur santé et de la manière dont les employeurs peuvent encourager une activité physique sûre et pratique.
Monsieur Biswas, c’est un plaisir de vous recevoir.
Monsieur Biswas : Merci de m’accueillir. Je suis content d’être ici.
Ashley : Vous avez parlé du paradoxe d’un travail physiquement exigeant. Quel est-il? Et pourquoi les employeurs et les travailleurs doivent-ils s’en préoccuper?
M. Biswas : Pour parler du paradoxe, il est important de définir ce que c’est et ce que ce n’est pas. Ce que ce n’est pas, c’est l’exercice ou l’activité physique que nous associons à la santé, et la raison pour laquelle cette activité physique n’est pas visée par le paradoxe, c’est que de nombreuses études ont montré que l’activité physique est très bonne pour la santé du cœur, excellente pour le métabolisme et importante pour le bien-être et le mieux être en général.
La promotion de l’activité physique fait partie des lignes directrices nationales en matière de prévention et de promotion de la santé globale. Mais nous avons tendance à prôner ces lignes directrices à grande échelle au sein de toutes les populations.
Nous disons que tout le monde, les enfants, les adultes et les travailleurs, que ce soit pendant le travail, les loisirs ou les déplacements, devrait pratiquer une forme d’activité physique. Faire 150 minutes d’activité physique, c’est bien. Mais si vous ne pouvez pas en faire autant, il vaut mieux en faire un peu que pas du tout.
Par contre, il y a certains emplois qui sont physiquement exigeants, et qui le sont non pas parce que les personnes font de l’exercice au travail, mais parce qu’elles font un travail qui est physiquement éprouvant pour le corps. Il peut s’agir de pousser, de tirer, de soulever des objets. Pensez aux ouvriers en construction, même aux travailleuses des services à l’enfance, aux commis d’épicerie qui travaillent à la caisse et qui restent debout pendant de longues périodes.
Et ça ne vise que le lieu de travail, où l’on passe de longues périodes à effectuer un travail physiquement éprouvant, sans beaucoup de temps de pause. Le corps subit alors un stress chronique important. Et, en ce sens, de nouvelles recherches suggèrent que ces efforts physiques ne sont pas bénéfiques pour la santé, comme l’est l’exercice physique, et qu’ils peuvent même être mauvais pour la santé.
Ashley : C’est très intéressant. Vous serez bientôt des nôtres lors du Forum du CCHST pour discuter d’une étude sur les mouvements répétitifs quotidiens des travailleurs canadiens et leur santé cardiaque. À quoi peuvent s’attendre les participants au cours de cette séance?
M. Biswas : Je vais présenter une étude que j’ai récemment achevée et qui porte sur l’activité physique typique des travailleurs au Canada. Nous disposions d’une source de données permettant de suivre les mouvements des travailleurs à l’aide d’une version du moniteur Fitbit utilisée à des fins médicales. Il s’agissait donc d’une version de recherche de la montre intelligente de Fitbit ou d’Apple. Les gens ont porté le moniteur à la taille, et nous avons obtenu un échantillon de plus de 9 000 personnes. Nous avons pu suivre de manière très détaillée les mouvements typiques effectués par les personnes de l’échantillon au travail et en dehors du travail, et nous voulions voir ce que les travailleurs font typiquement, quelles sont leurs habitudes. Nous avons ensuite dégagé six modèles distincts, et nous avons voulu connaître le risque associé à ces différents modèles en ce qui a trait aux maladies cardiaques sur une période de dix ans.
Je présenterai donc les conclusions de cette étude. Certaines de ces conclusions sont intéressantes en ce qui concerne le paradoxe dont vous avez parlé. Il y a un certain groupe de travailleurs qui sont visés par ce paradoxe, et il y a aussi d’autres groupes de travailleurs.
Nous avons établi six profils uniques de travailleurs, selon les activités qu’ils menaient au cours d’une journée typique. Comme vous pouvez vous y attendre, une grande partie de l’échantillon était composée de travailleurs que nous appelons les « sédentaires ». Il s’agissait de personnes assez sédentaires, que ce soit pendant les heures de travail ou en dehors des heures de travail. Nous avons utilisé ce groupe comme groupe de comparaison; nous avons comparé tous les autres groupes à ce groupe, pour voir si les membres des autres groupes bénéficiaient ou non du fait de bouger plus que le groupe de comparaison en ce qui concerne leur santé cardiaque globale sur une période de dix ans.
Et à l’autre extrémité, il y avait probablement le groupe le plus petit, celui des personnes qui font de l’exercice. Ces personnes faisaient beaucoup d’exercice ou étaient passablement actives au cours de leur journée, et elles étaient actives pendant la journée et pendant le soir. Nous ne savons pas précisément ce qu’elles font, mais elles sont actives. Et ce groupe présente un risque de maladie cardiaque inférieur de 42 % à celui du groupe des personnes les plus sédentaires.
Ashley : C’est logique.
Oui, ce résultat appuie ce que nous savons, à savoir que l’exercice et le fait d’être actif sont très bénéfiques pour la santé cardiaque. Mais il y a aussi un autre groupe, qui est semblable, mais qui diffère en ce sens que les personnes de ce groupe sont assez actives dans la journée, mais pas très actives le soir, ou en dehors de ce que nous pensons être les heures de travail typiques. Et ce groupe ne présente aucun avantage supplémentaire, ou n’est pas différent du groupe sédentaire, pour ce qui est de la santé cardiaque globale. Nous pensons donc que les personnes de ce groupe, qui sont actives pendant la journée, effectuent probablement un travail très exigeant physiquement, ce qui appuie ce que nous pensons être le paradoxe de l’activité physique, c’est-à-dire qu’un travail exigeant physiquement n’apporte aucun avantage supplémentaire ou augmente le risque. Nous trouvons cette constatation intéressante, et nous pensons qu’elle peut s’expliquer par le fait que l’effort que le corps doit fournir ne renforce pas beaucoup le cœur, ne l’aide pas à pomper efficacement le sang et n’aide pas le métabolisme de la même manière que le fait l’exercice physique. Il peut même en fait augmenter les risques. En effet, si vous mettez vos vaisseaux à rude épreuve, si vous restez debout pendant de longues périodes et si vous ne faites pas grand-chose pour votre métabolisme, la situation est tout à fait différente des avantages que l’exercice peut avoir pour votre corps.
Ashley : Intéressant. J’aimerais mentionner que je me retrouve dans le groupe des personnes actives, mais je pense que je suis probablement plutôt sédentaire.
M. Biswas : Je fais également partie des personnes sédentaires.
Ashley : Compte tenu de tout ce que vous nous avez expliqué, que peuvent faire les employeurs pour promouvoir la santé et le mieux-être au travail afin d’améliorer les résultats en matière de santé des travailleurs?
M. Biswas : Je pense que les employeurs ont un rôle important à jouer, parce que nous nous rendons également compte que si nous faisons porter la responsabilité à une personne, nous n’avons pas tendance à apporter beaucoup de changements. Nous devons vraiment reconnaître que, si le milieu de travail peut soutenir les travailleurs, alors les travailleurs pourront prendre des décisions plus saines pour eux-mêmes.
Et comme le montre l’étude que j’ai présentée, il y a beaucoup de nuances dans le type de mouvements des travailleurs et dans leurs façons de bouger. Et l’une des façons dont les employeurs peuvent réellement soutenir la santé des travailleurs est de reconnaître que nous devons nous adapter à la réalité des travailleurs.
Je pense aussi que l’une des solutions consiste à reconnaître qu’il est dans l’intérêt de l’employeur de promouvoir l’activité physique chez les travailleurs et que la promotion de la santé de la main-d’œuvre est avantageuse pour le bénéfice net de l’employeur.
Elle permet d’avoir une main-d’œuvre productive et en bonne santé. Elle fait aussi en sorte que les personnes soient en meilleure santé dans leur milieu de travail. Des liens ont également été établis avec l’amélioration des comportements en matière de sécurité. Et puis, je pense que si nous pouvons faire en sorte que davantage d’employeurs se rallient à ce message, promouvoir une culture de la santé, alors je pense que le message le plus simple est que l’exercice est toujours bon. Et si nous pouvons créer des situations où nous pouvons promouvoir l’activité physique au sein de la main-d’œuvre, et nous avons constaté qu’il peut être difficile de le faire parce que le travail est un obstacle, il n’est parfois pas possible d’intégrer l’exercice et l’activité physique en raison du travail,
et, donc, si nous pouvons trouver des moyens pour permettre à nos employés de trouver du temps dans leur journée, des solutions souples pour l’intégration d’activités, par exemple des cours d’exercices physiques ou de callisthénie, ou de yoga, ou quelque chose que les travailleurs peuvent intégrer dans la journée ou en dehors des heures de travail, il pourrait s’agir d’une possibilité à exploiter.
Et il faut aussi reconnaître que ces moyens profitent en grande partie aux travailleurs sédentaires, mais qu’il y a des travailleurs qui sont actifs pendant la journée et qui peuvent avoir besoin d’autres solutions. Donc pour les travailleurs qui sont très actifs en raison de leur travail, les employeurs doivent peut-être penser à les aider en leur donnant des pauses.
J’ai remarqué que, dans les épiceries, de plus en plus de commis ont des chaises. Je ne sais pas si c’est le bon mot, alors je dirai que les travailleurs des épiceries aux caisses ont des chaises pour s’asseoir, pour prendre une pause, et c’est peut-être une solution. Et si vous faites la promotion d’une culture de la santé, il est aussi important de dire aux gens que c’est correct. Ils ne sont pas obligés d’être actifs pendant les heures de travail s’ils sont fatigués. Ils peuvent peut-être trouver des moyens d’intégrer plus d’activité physique pendant la fin de semaine. Le simple fait d’élaborer des messages nuancés à ce sujet serait utile.
Ashley : Exact. Vous avez mentionné le fait qu’en tant que travailleurs, nous ne sommes pas toujours invités à être actifs. Quels sont les moyens dont disposent les travailleurs pour se protéger et protéger leur santé cardiovasculaire de manière proactive?
M. Biswas : Je pense qu’il est très utile que nous connaissions les avantages de l’activité physique. Selon moi, il y a certainement moyen d’informer les gens sur la valeur de l’activité physique et de communiquer des messages à ce sujet. Ce n’est pas tout le monde qui en est conscient. J’en suis conscient parce que j’étudie cette question pour gagner ma vie, mais je sais, d’après des conversations que j’ai eues, même avec des membres de ma famille, que ce n’est pas le cas de tout le monde. Vous savez, nous entendons parler de l’importance de l’exercice physique, mais ce n’est pas quelque chose à quoi nous pensons tous, tout le temps.
C’est pourquoi je crois qu’il est important de réitérer le message, de vraiment renforcer la communication et de veiller à ce que les travailleurs comprennent pourquoi il est important d’être actif, et en quoi l’activité physique peut améliorer la santé et le bien-être. Si nous y parvenons, je pense que les personnes peuvent ensuite réfléchir à des solutions qui leur conviennent, en étant conscientes des conditions de leur travail et de ce qui est possible pour elles pendant les heures de travail et en dehors du travail.
Si vous êtes une personne qui doit donner des soins, il est important de comprendre que ce n’est pas toujours facile parce que vous avez d’autres choses à faire au cours de votre journée. Je crois donc qu’il est certainement possible d’établir un dialogue entre les travailleurs et les personnes de leur entourage qui ont peut-être des renseignements à transmettre. Et je pense que les personnes dans les milieux de travail peuvent être celles qui sont en mesure de fournir des renseignements et des ressources. Il peut également être possible de chercher à obtenir des ressources au sein de nos communautés, de nos centres communautaires. Essayez aussi simplement de trouver du temps pour aller faire une promenade.
Donc, comme je l’ai dit au début, mieux vaut faire quelque chose que ne rien faire. Il n’est pas nécessaire d’y aller à fond, il suffit de faire un peu plus que ce que vous faisiez auparavant.
Ashley : Oui. Des petits pas.
M. Biswas : Des petits pas.
Ashley : Oui, et peut-être aussi mettre l’accent sur le lien entre les avantages psychologiques et la santé mentale.
M. Biswas : Oui, je pense qu’il est important que le message transmis corresponde vraiment à ce à quoi une personne s’attend si elle fait de l’exercice; la beauté de l’activité physique et de l’exercice, c’est qu’ils sont associés à des avantages non seulement pour la santé physique, mais aussi pour la santé mentale. Donc si c’est ce qui fera en sorte qu’une personne souhaitera bouger davantage, si l’activité physique lui permet de se sentir mieux, il est évident qu’il faut en faire la promotion.
Je crois que c’est quelque chose qui peut correspondre à ce que les gens recherchent dans leur vie. Ils espèrent se sentir mieux et aller mieux. Tous les gens ne veulent pas toujours forcément perdre du poids ou améliorer leur santé cardiovasculaire, mais se sentir bien, tout simplement se sentir bien, c’est quelque chose qui pourrait toucher davantage les gens.
Ashley : Absolument. Y a-t-il autre chose que vous aimeriez dire à nos auditeurs?
M. Biswas : J’aimerais dire que selon moi le lien entre la santé et la sécurité, et l’activité physique n’est pas toujours clair pour beaucoup de personnes. Et je pense qu’il faudrait le rendre plus clair, parce qu’il existe de nombreuses données probantes solides qui suggèrent que le fait d’être actif et de tirer profit des avantages de l’activité physique concorde admirablement avec les avantages de la santé et de la sécurité, à savoir des travailleurs en sécurité, en bonne santé et qui se sentent bien.
Par conséquent, si nous pouvons en prendre conscience, ce qui pourrait signifier que nous devons obtenir la participation d’un plus grand nombre d’employeurs, et que nous devons fournir plus de ressources afin que les employeurs comprennent réellement et fassent la promotion d’une culture de la santé, alors nous aurons accompli l’étape la plus importante pour permettre à davantage de travailleurs de prendre véritablement conscience qu’il s’agit d’une occasion pour eux d’utiliser vraiment les ressources à leur disposition dans leur milieu de travail pour être en bonne santé et être soutenus en vue d’atteindre ces objectifs.
Ashley : Absolument. Monsieur Biswas, ce fut un plaisir. Merci de nous avoir offert votre expertise aujourd’hui.
M. Biswas : C’était un plaisir pour moi.
Ashley : Pour en apprendre davantage sur cette question et sur de nombreux autres sujets relatifs à la santé et à la sécurité au travail, consultez notre site Web, cchst.ca. Merci d’avoir été des nôtres.